Cadence
Cadence
PARK Soo-hwan, photographe et compositeur, s’est d’abord intéressé au visage humain pour se tourner ensuite vers la relation entre la musique et l’architecture, deux constructions formelles qui touchent l’humain à la fois dans l’intériorité de son écoute et l’extériorité de son cadre de vie.
Les oeuvres de cet artiste, qui montrent la ville et l’environnement citadin toujours en mouvement, interceptent des événements urbains photographiés dans un bougé vibrant qui peut s’approcher de la musique car elles définissent des réalités en constante pulsation. Elles captent les ambiances sonores, les bruits, la musique de la ville, tout autant que ses environnements visuels.
La palpitation et le flou de ses images introduisent de la mobilité, de la durée et du rythme dans l’espace bidimensionnel fixe de la photographie. Le tremblé produit un effet de superposition et de surimpression dans lequel l’objet représenté perd un peu de ses contours et de sa matérialité pour devenir une cadence complexe, aux limites de l’abstraction.
Les œuvres de PARK Soo-hwan sont des évocations quasi-cinématographiques du déroulement temporel qui sépare l’objet de lui-même dans son flux ininterrompu que la photographie saisit dans une tension paradoxale. Cette saisie est aussi une fuite : loin de demeurer captif d’une empreinte inerte qui serait son tombeau ou son souvenir infidèle, le temps dynamise l’image, en brise la fixité dans la vacillation, en fait une réalité rythmique. L’objet s’éloigne de lui-même dans le clivage que lui impose le temps dans son déferlement, et il se ramène à sa propre forme, dans un mouvement d’attirance et de séparation, mouvement cadencé dans les oscillations duquel se scande l’être de l’objet selon une partition visuelle qui en explore toute la gamme lumineuse.
Cette exposition se partage en deux parties différentes mais très profondément liées : d’une part, les photographies présentent une image très contemporaine de la ville, et, d’autre part, cette phase descriptive est dépassée par le style de l’artiste qui donne à ses sujets une valeur tendant à l’abstraction. L’environnement urbain de notre période contemporaine, saturé d’images publicitaires, comme par exemple chez l’artiste américaine Jenny Holzer, est une réalité non seulement visuelle mais aussi tactile et auditive qui affecte le corps de l’individu. L’expérience contemporaine est ainsi faite certes d’images mais aussi de vibrations sonores, et constitue une réalité hétérogène bien rendue chez PARK Soo-hwan, dont les travaux, à travers la recherche sur le temps et sur le contour de la figure dans son écoulement, atteignent une qualité de quasi-abstraction.
Chez PARK Soo-hwan, l’image sonore, toute intérieure, qui se crée dans l’oreille du spectateur, se réalise plastiquement, et l’œil écoute. La photographie devient musicale et cinématographique ; elle évoque un mouvement dont il ne subsiste que la trace fugitive, une temporalité fugace, une narration songeuse. La relation entre le mouvement, rendu tangible par la prise de vue, et l’architecture, évanescente dans le filé visuel, met en scène la figure de la ville dans une écriture vive, traversée de pulsations qui impriment au regard une « cadence » faite de crescendos pleins de lyrisme et de décélérations mélancoliques.
KIM Sou-hyeun

